同年11月27日、カテリナは夕方の黙想の時間に聖母マリアが再び現れたと報告した。聖母マリアは楕円形の枠の中で地上に立ち、様々な色の指輪をしており、ほとんど指輪からは輝く光線が地上に降り注いでいた。楕円形の枠のへりには « Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. »
Alors que je me trouvais en cette ville de Malacca, des marchands portugais, des hommes tout à fait dignes d’être crus, m’ont fourni d’amples informations sur des grandes îles récemment découvertes, qui s’appellent “Îles de Japon”. À leur avis, on y ferait beaucoup de fruit et on y accroîtrait beaucoup notre sainte Foi, bien plus qu’en aucune autre partie de l’Inde, parce que ce sont des gens extraordinairement désireux d’apprendre, ce que ne possèdent pas ces Gentils de l’Inde [1][1]François Xavier, Correspondance, 1535-1552, Lettres et…. »
2Tels sont les premiers mots de François Xavier (1506-1552) sur le Japon, qu’il écrivit le 20 janvier 1548, alors qu’il se trouvait à Cochin. L’optimisme affiché par le missionnaire était à la fois sincère, parce que Xavier pensait comme un certain nombre de ses contemporains que « [tout] homme est, de par sa nature, capable de recevoir la foi du Christ [2][2]Extrait de la bulle « Sublimis Deus » de Paul III, 1537,… », et tactique, parce qu’une lettre adressée aux membres de la toute nouvelle Compagnie de Jésus se devait d’encourager leurs espoirs évangéliques. La suite de l’histoire de la mission chrétienne au Japon montra que l’optimisme de l’apôtre des Indes ne fut pas sans fondement.
3En effet, du séjour de François Xavier (1549-1551) à la grande révolte aux tonalités chrétiennes de Shimabara-Amakusa (1637-1638), le christianisme constitua un élément majeur de la société japonaise, qui passait alors du Moyen Âge (xiie-xvie siècles) à l’époque moderne (xviie-xixe siècles). Autrement dit, pendant toute la première moitié de ce « siècle chrétien », les Japonais ont accueilli avec la plus grande ouverture les missionnaires européens, leur religion catholique et leur culture; dans la seconde moitié du siècle, les édits de proscription du christianisme de 1612-1614 n’ont pas tout de suite limité le rayonnement de la civilisation chrétienne dans l’archipel.
Le premier christianisme japonais : un fait social total
4Le succès du premier christianisme s’exprima d’abord par l’importance du nombre de convertis. En 1583, le visiteur apostolique Alexandro Valignano (1539-1606) estimait à cent cinquante mille le nombre de chrétiens japonais; vingt ans plus tard, en 1602, son coreligionnaire jésuite Luis de Cerqueira (1552-1614) annonçait à Rome que l’archipel comptait trois cent mille fidèles; la population du Japon s’élevait alors à dix ou douze millions de personnes.
Il y a bien entendu mille raisons de douter de l’exactitude de ces chiffres : tendance à l’autovalorisation de Jésuites qui sont en butte à la concurrence des autres ordres missionnaires et qui perdent en 1590 le monopole de la mission japonaise; impossibilité d’établir à l’époque des estimations statistiques fiables; poids des conversions collectives. Néanmoins, la violence de la réaction antichrétienne des autorités japonaises à partir des années 1610 atteste à sa façon du réel succès de la mission.
5Il est clair notamment que celle-ci rencontra un accueil favorable dans toutes les couches de la société locale. À commencer par les guerriers (samurais), dont les conversions personnelles entraînaient généralement celles de tous leurs vassaux et sujets. Des citadins, aussi, reçurent le baptême et furent instruits de la religion catholique : jusqu’à la proscription de 1614, la grande ville portuaire de Nagasaki, cédée puis confisquée aux Jésuites dans les années 1580, ne comptait officiellement que des fidèles.
Les cryptochrétiens de cette même région de Nagasaki qui ont survécu aux persécutions de l’époque des shôguns Tokugawa (1603-1867) et ont été redécouverts dans les années 1860 par les pères des Missions étrangères de Paris étaient en majorité des paysans. Tout comme ceux qui s’étaient révoltés à Shimabara-Amakusa (région de Kyûshû) à la fin des années 1630.
6Au-delà de ces quelques données sociologiques, il n’est pas exagéré de dire que l’histoire politique, économique et sociale du Japon du « siècle chrétien » et des siècles ultérieurs aurait été tout autre si les missionnaires n’étaient pas venus séjourner dans l’archipel pendant quelques décennies.
Par exemple, dans un premier temps, lorsque le christianisme était encore licite, le commerce extérieur du pays fut grandement influencé par les Jésuites qui jouèrent tout à la fois le rôle d’entrepreneurs indépendants et celui d’intermédiaires au service des commerçants portugais. Plus tard, les Tokugawa justifièrent officiellement leur politique de « fermeture du pays [3][3]Interruption des relations diplomatiques avec les pays… » (1640-1854) par la menace que représentait selon eux la présence au Japon de missionnaires ibériques associés partout ailleurs dans les quatre parties du monde à la colonisation la plus sauvage. Mais ce n’est pas tout : pour rendre plus efficace la proscription religieuse, les Tokugawa rendirent peu à peu obligatoire l’inscription des foyers japonais dans un temple bouddhique se portant garant de l’orthodoxie de ses ouailles.
C’est ainsi qu’au Japon le bouddhisme finit par s’inscruster dans tout le corps social. D’un point de vue politique, l’effet le plus évident des mesures antichrétiennes fut d’assurer aux shôguns un pouvoir absolu, ce qui redonna au Japon une unité perdue pendant la période des guerres civiles du xvie siècle. En effet, leur politique antichrétienne leur permit de confisquer aux grands seigneurs (daimyô) de la fin du Moyen Âge leurs capacités à entretenir des relations commerciales et diplomatiques avec les puissances européennes.
7Enfin, on ne saurait parler de l’influence du christianisme dans l’histoire japonaise sans évoquer l’art et la pensée, qui furent également façonnés par la religion et la civilisation des chrétiens d’Europe. L’influence s’exprima de diverses façons : elle fut directe et positive, quand, par exemple, des thèmes et des motifs chrétiens étaient repris par des artistes; indirecte et négative, dès que les lettrés du Japon se mirent à réfuter le christianisme en élaborant des théories qui valorisaient les courants religieux traditionnels (shintoïsme, bouddhisme et confucianisme).
On retrouvera encore au xixe siècle des échos de ces débats sur le christianisme : les intellectuels de l’école de Mito, l’un des courants philosophiques les plus influents du pays, estimaient alors que la domination des Occidentaux sur le monde tenait à la force mobilisatrice de leur religion; il fallait, par conséquent, que les Japonais se dotent eux aussi d’une idéologie structurante. Le shintô leur parut la forme religieuse la plus apte à jouer ce rôle fédérateur.
Ce fut ici le point de départ de l’histoire contemporaine du nationalisme nippon qui mit en avant la figure de l’empereur, prétendu descendant de la divinité shintô Amaterasu Ômikami, pour justifier toutes sortes d’entreprises impérialistes.